Andrea Arnold, c’est un peu le genre de cinéaste qui t’attrape l’âme par le revers de la veste. Formée au AFI à Los Angeles après une enfance sur une cité ouvrière dans le Kent, elle inscrit ses récits dans la chair du réel. Les mains dans le bitume, le regard dans l’émotion — jamais facile, toujours vivant.
Milk (1998) et Dog (2001) étaient déjà des bijoux en rab, mais Wasp (2003), son court-métrage sur une mère célibataire en galère, lui offre… un résumé instantané de toute l’âme du cinéma : Oscar du meilleur court-métrage.
Red Road (2006) : voyeurisme urbain, caméra à l’épaule, lumière froide et ambiance Glasgow. Prix du Jury à Cannes, introduction éclatante à son travail de sculpteuse d’émotions vives.
Fish Tank (2009) : une ado coincée dans une cité entre ambition et claques. Là encore, prix du Jury à Cannes. Ce cinéma tient de la fulgurance fragile.
Wuthering Heights (2011) : l’adaptation la plus tactile du roman de Brontë. À la place des mots en papier glacé, tu as du vent, des pans de lande, une passion qui suinte. Robbe-Ryan derrière la caméra et… Golden Osella à Venise.
American Honey (2016) : road-movie noisy et libre. Une bande d’ados qui vend des abonnements de magazine à travers l’Amérique oubliée — et Arnold peint leur colère comme une liberté. Troisième Jury Prize à Cannes.
Cow (2021) : regard caméra mille-feuilles sur une vache. Documentaire hors sol, mais d’une violence douce, simple, terriblement humain.
Bird (2024) : son retour à la fiction depuis 2016. Une gamine de 12 ans, un père instable, un mec mystérieux nommé Bird… Mystique et social, onirisme et poussière Kentoise. Palme d’Or en ligne de mire, panache intact.
Arnold tourne avec Robbie Ryan depuis plus de vingt ans — souvent en mode « on improvise, on prend la rue, on pousse le cadre ». Sans entourage glamour, avec de vrais corps, l’un dans la machine, l’autre derrière l’objectif, toujours en tension.
Son prochain film ? Featherwood, un thriller FBI avec Scarlett Johansson. Pratt bien loin des bidonvilles du Kent, mais toujours avec son empreinte : ça va gratter.
Parce qu’elle refuse le confort — elle préfère la morsure des pas dans la boue plutôt que les tapis rouges. Elle filmera votre venin, votre espèce, votre rêverie. Elle te regarde droit dans ta singularité et te dit : Tu sens tout ? C’est bien. Tiens. On filme ça. Ses films ne te donnent pas des clefs, ils t’offrent un trou dans la réalité où se glisser.
