Entre architecture et géopolitique, le regard d’un architecte sur un continent en mutation
Il suffit de traverser Rotterdam pour ressentir la signature de Rem Koolhaas : bâtiments anguleux, tensions visuelles, espaces qui bousculent le regard. Mais l’œuvre de l’architecte néerlandais dépasse largement les lignes du béton. C’est un penseur, un observateur du politique, un lecteur du territoire européen.
Là où d’autres construisent, Koolhaas interroge.
L’Europe, pour lui, n’est pas une entité finie mais une fiction en cours d’écriture.
« L’Europe n’est pas un produit, c’est une idée. »
Une idée façonnée par les gestes symboliques — une poignée de main, un silence entre deux chefs d’État — autant que par les grandes décisions politiques. Koolhaas se souvient du moment Mitterrand-Kohl à Verdun comme d’un tournant : un instant où l’imaginaire européen a changé de trajectoire.
Une architecture connectée à la géopolitique
Mais ce penseur du bâti est aussi lucide sur les fractures :
« L’Europe s’est repliée sur elle-même. Elle a perdu sa capacité à dialoguer avec l’extérieur. »
Un constat sévère, énoncé avec une inquiétude lucide. Koolhaas rappelle que dans les années 1980, les diplomates hollandais maîtrisaient les langues des grandes puissances adverses. Aujourd’hui ? Trois russophones, deux sinophones. Le symptôme, selon lui, d’un continent devenu sourd à l’altérité.
L’Europe comme territoire mais aussi comme zone mentale, dont l’architecture devient la métaphore.
Du mythe de la métropole à l’oubli des campagnes
Longtemps fasciné par la ville comme excès — congestion, verticalité, accumulation — Koolhaas a opéré un virage.
« J’ai cessé de m’obséder pour la densité. Ce qui m’intéresse désormais, ce sont les campagnes. »
Ces zones vides, ignorées, en retrait. Là où l’attention se dissipe, Koolhaas choisit d’observer. Pour lui, l’enjeu n’est plus simplement urbain : il est spatial, politique, écologique. La campagne n’est pas une relique, mais le miroir inversé de nos métropoles hypertrophiées.
Lire le monde par les formes
Plus qu’un architecte, Koolhaas se définit aujourd’hui comme un analyste du monde via les structures.
« L’architecture n’est pas une réponse à une question. C’est une façon de penser. »
Sa pratique se veut outil de lecture du réel. Ni pure
