Le bruit du banal, version pop art.
Andy Warhol a tout enregistré sauf sa propre voix intérieure.
Il notait, filmait, téléphonait, observait. Mais s’il avait eu un micro, un flux, une plateforme — que nous aurait-il raconté ? Probablement rien. Et c’est justement pour ça que ce serait fascinant.

Silence, on enregistre
Dans les années 60, Warhol voulait “filmer tout le monde, tout le temps”.
Ses Screen Tests — ces portraits fixes de quelques minutes — étaient déjà des proto-podcasts visuels : un plan, un corps, un silence habité.
Si le son avait pris la place de l’image, il aurait fait la même chose : enregistrer le rien.
Des conversations de Factory, des commandes téléphoniques, des rires étirés dans le vide.
Le Warhol Podcast aurait été une suite de banalités hypnotiques, un manifeste de l’ennui pop.
Un micro à la Factory
Imagine : un micro Revox posé entre Edie Sedgwick, Lou Reed, Candy Darling et Basquiat.
Des bruits de talons, le froissement d’une robe en vinyle, la machine à Polaroid qui claque.
On y entendrait plus de pauses que de phrases.
Warhol aurait laissé tourner le magnétophone, fasciné par le flux des voix.
Pas d’interview, pas de montage — juste le son du présent en train de se faire.
Son podcast aurait été une archive du temps réel : répétitif, creux, sublime.

La parole comme image
Warhol disait : “Je veux être une machine.”
Un podcast lui aurait offert l’outil parfait : parler sans dire, enregistrer sans commenter.
Le son devient ici image mentale, texture.
Chaque respiration de la Factory serait une œuvre.
Il aurait probablement publié un épisode par jour, sans titre, sans thème, juste daté :
“Monday, March 14, 1966 – Velvet Underground rehearsing in the background.”
Un journal sonore sans émotion, mais saturé de présence.

Des héritiers contemporains
Certains artistes ont repris cette obsession du banal.
Sophie Calle et ses récits enregistrés de chambres d’hôtel.
Christian Marclay avec ses montages d’archives audio.
Kader Attia qui collecte des voix oubliées.
Et, plus directement, Leah Singer et Thurston Moore, dont les performances mêlent son, parole et répétition — du pur Warholisme sonore.
Pourquoi ça nous fascinerait encore
Parce qu’on vit dans le monde qu’il avait prédit : celui où tout le monde parle, s’enregistre, se diffuse.
Warhol aurait été le roi du flux, l’influenceur suprême — ou le premier à s’en moquer.
Son podcast, minimal et sans commentaire, serait devenu culte : un espace vide au milieu du bruit.
La Factory, version Spotify, aurait été la première story infinie.

Référence à écouter :
🎧 Andy Warhol’s Tape Recordings (1964–1976) — Sélection d’archives audio réelles de la Factory, conservées au Warhol Museum (Pittsburgh) et disponibles dans la série documentaire audio “Andy Warhol’s World” sur MoMA Audio Archives
Encadré : à voir / à lire / à écouter
À voir
– The Andy Warhol Diaries (Netflix, 2022)
– Screen Tests, 1964–66
– The Velvet Underground (Todd Haynes, 2021)
À lire
– Andy Warhol, The Philosophy of Andy Warhol (From A to B and Back Again)
– Olivia Laing, Everybody
– Wayne Koestenbaum, Andy Warhol
À écouter
– Pop Art Sounds – Tate Podcast
– The Velvet Underground – Peel Slowly and See (Anthology)