Transparence, pouvoir, vulnérabilité.
Le corps n’est plus dissimulé : le nu chic s’expose, se fragmente, se célèbre.
Mais le nu d’aujourd’hui n’est ni naïf ni provocateur.
Il est conceptuel, contrôlé, souvent politique.
De la robe transparente de Florence Pugh aux silhouettes éthérées de Coperni ou de The Row, le nu revient comme un manifeste paradoxal : une mise à nu ultra-maîtrisée.

Le retour du corps visible
Après des années de streetwear, d’oversize et de dissimulation post-pandémie, la mode redécouvre la peau.
Mais elle le fait avec un détachement presque clinique.
Les voiles de tulle, les tissus effet “peau nue”, les transparences géométriques rappellent que le nu n’est plus charnel, mais conceptuel.
Chez Nensi Dojaka, Ann Demeulemeester ou Coperni, la chair est filtrée par la construction.

Le corps devient architecture — un espace d’équilibre entre désir et contrôle.

Pouvoir ou exposition ?
Le nu a toujours navigué entre émancipation et objectification.
Aujourd’hui, il revendique une autre posture : celle de la maîtrise.
Quand Florence Pugh s’affiche seins nus en Valentino fuchsia, le scandale ne vient pas du geste, mais de la tranquillité avec laquelle elle le fait.
Ce n’est plus la nudité offerte au regard masculin, mais une affirmation de territoire : “Je décide du cadre.”
La transparence devient une forme d’armure.

La vulnérabilité stylisée
Mais il y a aussi une mélancolie dans ce retour du nu.
Les tissus diaphanes, les robes filet, les corsets déconstruits évoquent une fragilité assumée.
On ne montre plus le corps pour séduire, mais pour signifier : “Je n’ai rien à cacher, même mes fissures.”
Chez Mugler, Marine Serre ou Loewe, la peau devient un langage — celui du risque esthétique.
La transparence, ici, n’est pas seulement visuelle : elle dit une époque qui cherche encore la sincérité.

Le nu post-Instagram
Le vrai paradoxe, c’est que cette tendance triomphe à l’ère du filtre.
La nudité la plus visible est aussi la plus scénarisée.
Le “nu chic” n’est pas celui de la spontanéité, mais de la composition : lumière douce, regard stable, tension calculée.
La peau devient un accessoire conceptuel, un espace de design.
Loin du voyeurisme, on est dans la performance d’identité.
Ni pudique ni provocant : politique
Le retour du nu ne renoue pas avec l’érotisme classique — il parle de pouvoir.
Pouvoir d’apparaître, de se montrer selon ses codes, de choisir le degré d’opacité.
Ce n’est plus une question de morale, mais de maîtrise du regard.
Le nu n’est plus un acte de dévoilement, c’est un geste de souveraineté.
Niccolò Pasqualetti — ou comment le nu se dérobe à la provocation
À mi-chemin entre tailleur italien, référence militaire et couture fluide, le créateur repense le vêtement comme armature d’identité. Sa mode ne cherche pas à exposer la chair pour la désirer, mais à la transformer — l’habiller et la déshabiller en même temps.

Dans ses derniers shows (Pitti Uomo 2025, PFW SS 2025, FW 2025/26), le corps n’est jamais brut, mais toujours filtré : transparences subtiles, drapés imprévisibles, volumes déconstruits. Ce n’est pas un corps offert au regard — c’est un corps sculpté. La nudité ici n’est plus un geste d’exposition, mais un travail sur l’ambiguïté, la vulnérabilité et le pouvoir de la suggestion.
À observer : Pasqualetti SS 2025 (Paris Fashion Week) / Pitti Uomo 2025 / FW 2025/26 — pour une leçon de “nu-vêtement” qui n’a rien de gratuit.
Référence visuelle
📸 Valentino Haute Couture FW22, robe transparente portée par Florence Pugh à Rome.
Encadré : à voir / à lire / à écouter
À voir
– Défilé Nensi Dojaka SS24
– Mugler Spring 2023, par Casey Cadwallader
– Coperni Glass Dress, Bella Hadid, Paris 2022
À lire
– Anne Hollander, Seeing Through Clothes
– Georges Didi-Huberman, La Peau du visible
– Jia Tolentino, Trick Mirror
À écouter
– Mode et transparence, Le mouv’
– The Power of Vulnerability, TED