On pensait avoir tout vu : les Beanie Babies, les Funko Pop, les Kaws en édition limitée… Mais voici Labubu, créature mi-gobelin mi-lapin, sourire carnassier et yeux démesurés, qui déclenche aujourd’hui des files d’attente dignes d’une sortie Apple. Dessiné par l’artiste hongkongais Kasing Lung et produit par Pop Mart, Labubu est l’exemple parfait du jouet-objet fétiche : assez mignon pour séduire le grand public, assez étrange pour intriguer les collectionneurs, et suffisamment rare pour faire grimper les prix sur le marché secondaire.
En quelques années, la bestiole est passée de curiosité arty à phénomène global. Les blind boxes s’arrachent comme des sneakers Travis Scott ; les versions exclusives se négocient à des montants qui feraient rougir Sotheby’s. On assiste à un mélange fascinant : le culte du kawaii, hérité de la culture japonaise, fusionne avec la logique de spéculation de l’art contemporain. On n’achète pas seulement un Labubu : on investit dans un storytelling en plastique vinyle.
Esthétiquement, Labubu pourrait avoir été imaginé par Tim Burton après un stage chez Sanrio : l’innocence est là, mais elle est légèrement inquiétante. Ce n’est pas Hello Kitty ; c’est son cousin qui a lu trop de contes des frères Grimm. Et c’est précisément ce frisson qui attire : cette ambiguïté entre le “trop mignon” et le “pas net” résonne avec notre époque saturée d’images où la nostalgie se mêle au cynisme.
Le phénomène n’est pas sans rappeler celui des art toys des années 2000, quand Michael Lau ou Medicom Toy transformaient le jouet en objet de galerie. Mais Labubu, lui, a réussi à franchir le fossé entre niche et mainstream : il s’invite autant sur les étagères des collectionneurs que dans les feeds Instagram des ados.
Dans vingt ans, peut-être qu’on le retrouvera exposé au MoMA ou oublié dans un carton, aux côtés des Tamagotchis. Mais pour l’instant, Labubu règne, petit monstre joyeux qui nous rappelle qu’en 2025, le vrai luxe, c’est un vinyle de dix centimètres qu’on n’arrive pas à trouver.
